DE L'OMBRE...



« La rencontre avec soi signifie d’abord la rencontre avec sa propre ombre. L’ombre est, il est vrai, un défilé, une porte étroite dont le pénible étranglement n’est épargné à aucun de ceux qui descendent dans le puits profond. Mais il faut apprendre à se connaître soi-même pour savoir qui on est »1, écrit C.G Jung dans Les racines de la conscience. Ces quelques lignes suffisent à nous faire comprendre qu’accéder à son ombre n’est pas chose facile, que la rencontrer demande un certain courage. Mais pour la rencontrer, il est indispensable de savoir ce qu’elle est.

Qu’est-ce que l’ombre ?

Elle est secrète, mystérieuse, mais pas muette. Refoulée ou blessée, elle agit dans l’obscurité.

Wikipédia nous en donne cette définition : « L'ombre est une partie de la psyché formée de la part individuelle qui ne se connaît pas elle-même, et dont l’existence même est souvent ignorée. C'est l'un des principaux archétypes décrits par Carl Gustav Jung dans le cadre de sa psychologie analytique. […] L’ombre est cette part de nous-même que nous refusons, a priori, de voir en nous-mêmes. Pour qui veux s’y intéresser, elle est une source quasi inépuisable de connaissance de soi. »2
« L’ombre est quelque chose d’inférieur, de primitif, d’inadapté et de malencontreux, mais non d’absolument mauvais. » « Il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. La vie nécessite pour son épanouissement non pas de la perfection mais de la plénitude. Sans imperfection, il n’y a ni progression, ni ascension. »C.G. Jung L'Âme et la vie.3
Le concept de l’ombre est bien souvent méconnu ou mal compris. On l’associe trop rapidement au « Mal », par opposition à la Lumière qui serait le « Bien ». Sans être totalement inexacte, ce raccourci est pourtant un peu simpliste. Pourtant, cette proposition viens de Carl Gustav Jung lui-même, qui affirme que (sic) « si l'archétype du Soi représente le Bien, Dieu, alors le Mal est symbolisé par son ombre ». Mon propos n’étant pas de rentrer dans le débat moral sur l'origine et la nature du Mal, je laisserais à Jung la propriété de ses propos.
Nonobstant, Carl Gustav Jung pensait qu'au bout de la pénible exploration de notre inconscient se trouvait la découverte du Soi, notre lumière intérieure, la part de sagesse divine enfouie au plus profond de nous-mêmes. Mais il affirmait qu'avant d'arriver à cette lumière, l'explorateur devait d'abord rencontrer un personnage qu'il a appelé l'ombre.

L'ombre peut être définie comme notre double inversé, celui ou celle que nous aurions pu être, mais que nous ne sommes pas. C'est notre face obscure, elle contient l'ensemble des traits de caractère qui n'ont pas pu se développer dans notre personnalité. Elle symbolise en quelque sorte notre frère jumeau opposé qui est caché dans les profondeurs de notre inconscient.
Il faut bien comprendre que l’ombre n’est pas l’opposé du Soi, (notre lumière intérieure), mais l’opposé du Moi, c’est-à-dire notre personnalité consciente, ce que je suis, qui forme notre sentiment d’identité.
Elle finit par constituer presque un double, un frère jumeau - ou une sœur jumelle - intérieur opposé comme dans un miroir.
« Ce frère représente ce qui manque à notre conscience, ce qui aurait pu vivre mais est resté enfoui en nous sans parvenir à naître. Si vous êtes timide et réservé, votre ombre aura probablement les traits d'un personnage très sûr de lui, séducteur et plein de charme. À l'inverse, si vous avez une personnalité énergique, si vous adorez les défis et l'aventure, votre ombre aura l'aspect d'un être anxieux, craintif et pantouflard. » Daniel Cordonier - Le pouvoir du miroir4
L’ombre n’est pas « la méchanceté, la colère, l’egoisterie, l’avarice, la mesquinerie… », c’est-à-dire ce que, dans la morale sociale, nous qualifions de mal, mais bien les traits de caractères qui ne nous «correspondent» pas. Un altruiste aura dans comme part d’ombre l’egoisterie, et a l’inverse, l’égoïste pensera que la gentillesse est une tare (d’où l’adage trop bon trop con…). De même, l’ombre c’est également les qualités que nous ne nous attribuons pas.

L’ombre, c’est donc tout ce que nous avons refoulé dans l’inconscient par crainte d’être rejetées par les personnes qui ont joué un rôle déterminant dans notre éducation. Pour leur plaire, nous avons enfoui dans notre inconscient de grande part de nous-même. Ce que nous avons « sélectionner », c’est notre identité, notre Moi social, ce que Jung appelait la persona.

Comment se créer notre identité ?

Une fois ce tri inconscient effectué, nous allons d’une part passer le reste de notre vie à croire que nous ne sommes que l’infime partie de ce que nous avons sélectionné et qui forme notre identité. Et d’autre part, afin de parfaire cette croyance, nous allons agir et passer notre temps à nous prouver et à prouver au monde que nous sommes ce que nous avons sélectionné comme étant nous.

Et, plus encore, nous n’allons retenir de la Vie qui se déroule devant nos yeux, uniquement les événements qui vont parfaire notre croyance. Par exemple, si j’ai sélectionné dans le film de ma vie que je suis la cinquième roue du carrosse, que personne ne se souci de moi, je vais chercher à me prouver et à prouver au monde que je suis bien ce que je dis être, et, pour parfaire l'exemple, lors d’une sortie au restaurant, si nous sommes 5 et qu'on nous propose une table pour 4 alors, inconsciemment, je resterais légèrement en retrait et forcement, il n’y aura pas de place pour moi, j’aurais donc tout le loisir de dire « voilà, vous voyez bien, ça tombe toujours sur moi, je vous l’avais bien dit… » écartera, écartera.

Comment trouver son ombre ?

Ce n’est d’abord qu’en ayant conscience que « nous ne sommes pas que celui que nous disons (croyons) être » que nous pourrons avoir la capacité de pouvoir entrevoir l’autre partie de nous-même qui nous est cachée. Ce n’est qu’en comprenant que nous nous sommes nous-même coupé d’une partie de nous – souvent par nécessité ou survie – que  nous pourrons nous approprier notre part d’ombre.
Il ne s’agit pas là non plus de plonger dans son ombre et d’en revêtir totalement la cape. Pour Jung, la santé psychique consiste, pour une large part, à trouver et à garder l’équilibre entre persona et ombre.

La meilleure façon de percevoir son ombre c’est de regarder les autres. Ce que je perçois des autres, c’est une partie de moi qui m’est caché. L’ombre se révèle à nous à chaque instant dans nos interactions avec les autres. C’est ce qu’on appelle l’effet miroir. Ce que nous refoulons à l’intérieur est projeté à l’extérieur. Les projections de l’ombre sur les autres sont les défauts que nous leur attribuons et que nous ne supportons pas. Ou bien les projections positives comme l’admiration ou la fascination pour telle personne ou tel talent.

En gardant constamment en tête cette règle simple : ce que je vois chez l’autre, c’est une part de moi qui m’est révélée, je pourrais alors entrevoir mon ombre. Je vous invite à lire mon article sur L’EFFET MIRROIR pour bien en comprendre la subtilité de fonctionnement.

Serge DEMANGEAU
www.ecoute-psycho-sophro.fr
De soi à Soi...

Bibliographie
[1] Carl Gustave Jung – Les racines de la conscience – Buchet-Chastel (1954)
[2] Wikipedia – Ombre (psychologie analytique) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ombre_(psychologie_analytique)
[3] C.G. Jung – L'Âme et la vie, LGF – Livre de Poche, (1995) L'ouvrage L'Âme et la vie est constitué de textes essentiels de Carl Gustav Jung, réunis et présentés par Jolande Jacobi, introduits par Michel Cazenave.
[4] Daniel Cordonier – Le pouvoir du miroir – Georg (Editeur) (1998)

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